Chronique N°2 : Maman maîtresse ou maîtresse maman (partie 1)

Les premiers pas

Ce sujet de l’instruction était si complexe et nouveau pour moi qu’il m’a été difficile de retracer par écrit quelques certitudes… d’où mon long silence ! Les jours à bord se sont écoulés, ballottant mes idées, renouvelant ma manière de faire au gré des escales, en m’enrichissant de diverses rencontres. Je tenterai donc de coucher sur le papier plutôt mes interrogations et quelques réflexions qui m’ont animé durant cette première année afin d’en garder le souvenir.

Comment aborder le sujet de l’instruction sans parler d’éducation ? Au fur et à mesure des jours passés auprès des enfants, je n’ai cessé de les confondre tant ils se rejoignaient. Maman maîtresse ? Maîtresse maman ? J’essaierai de me concentrer sur l’instruction scolaire proprement dite même si les deux sont inévitablement liés.

Lorsque le projet du voyage s’est dessiné, la perspective de pouvoir instruire mes enfants m’enchantait. J’ai grandi dans l’admiration de ma grand-mère maternelle qui me racontait souvent comment elle avait été obligée à une certaine période d’enseigner à quelques-uns de ses enfants. J’étais émerveillée par ce souvenir qu’elle me partageait. C’était peut-être la liberté qui s’en dégageait ou la confiance aussi dans ses capacités à élever ses enfants. Alors quand l’occasion est apparue de tenter moi aussi l’expérience, cela m’a passionné.

Pour cette première année que nous allions vivre en mer, Gabriel entrait en CE2, Augustin en grande section et Arthur en petite.

Nous avons choisi pour Gabriel le Cours Sainte Anne (un cours privé à distance) en mathématiques et français uniquement. Ce cours avait l’avantage d’être d’un très bon niveau, plein de bon sens, et d’être livré en version papier, nous libérant ainsi des écrans et des contraintes de connexion. Nous lui enseignerions l’histoire et la géographie au gré de nos escales. Pour Augustin, cela correspondrait à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture principalement, que je souhaitais étaler sur deux ans. Pour apprendre à lire et à écrire j’ai d’abord commencé à me former avec l’enseignement de Maria Montessori, à travers notamment les conférences gratuites accessibles en ligne de Céline Alvarez qui répondaient parfaitement à mes questions de novice.  J’ai aussi choisi d’enrichir l’apprentissage par la méthode « Jean qui rit » qui permet d’associer à chaque son de lettre un mouvement et une histoire.  Le support papier de la méthode « la boîte à bons points » a permis de compléter ces différentes méthodes. Elles m’ont demandé un peu de préparation, de matériel et d’adaptation au départ pour me repérer, bien aiguillée et confirmée dans mes choix par les précieux conseils d’institutrices.et

Enfin, pour Arthur, j’avais choisi « la boîte à bons points » comme support mais la vie quotidienne en famille sur un bateau comme principale activité et terrain d’apprentissage !

Avant de partir, une de mes amies instit’ Sixtine m’avait prévenue : « tu ne transformeras pas ton bateau en salle de classe ! » Et pourquoi pas ? L’expérience me montrerait finalement qu’elle avait plus que raison, mais partant de rien et n’ayant jamais connu autre chose que l’école, je ne le comprenais pas encore.

Nous avons débuté l’année par deux mois à terre, en Bretagne à la campagne ; Vianney sur le chantier toute la journée et les enfants en classe tous les matins avec moi, en débordant de temps à autre l’après-midi.  Ces deux premiers mois ont été révélateurs de la difficulté d’enseigner à ses enfants ! Comme il est difficile d’être une patiente maîtresse quand on a déjà eu l’occasion trois fois de reprendre son enfant sur son comportement comme maman ! Instaurer un rythme d’école, motiver les troupes, jongler avec les niveaux et l’autonomie de chacun. Ces deux premiers mois ont été fatigants et révélateurs de nombreuses difficultés mais ils m’ont permis de mieux comprendre chaque enfant, leurs facilités et leurs manques, ce qu’ils avaient déjà appris à l’école l’an passé, leurs mauvaises habitudes.

Augustin par exemple avait appris ses lettres en majuscules script, il était peu capable de les tracer dans le bon sens. Moi je souhaitais lui apprendre les minuscules attachées. Il connaissait le nom de chaque lettre, je souhaitais lui apprendre le son qu’elles chantaient. Il fallait donc que chacun s’adapte à l’autre pour réussir à approfondir ses connaissances sans le démotiver.

Pour Gabriel, la différence de niveau et d’attente entre ce qu’il faisait à l’école publique pendant deux ans ponctués de confinements et ce que proposait le Cours Sainte Anne a été difficile à accepter. Pourquoi faire un effort quand on peut s’en passer ? Sans surprise, il jugeait les dictées excessivement régulières et les poésies démesurément longues.

L’environnement était merveilleux pour les enfants ; le calme de la campagne et tout ce qu’elle comporte de découvertes remplissait nos journées ; traite des vaches, récolte de châtaignes et tartes avec les mûres ramassées dans les champs les enchantaient.  Les vacances de la Toussaint ainsi que l’importante préparation matérielle qui nous accaparait auront finalement sonné la fin de cette première expérience. Épuisée mais contente, j’en retenais deux choses : la qualité principale de l’enseignant est de faire confiance à chaque enfant. Comme le disait très justement Gwenola : « Regarde tout ce qu’Arthur a appris depuis sa naissance : marcher, parler, chanter… et pourtant tu ne lui as jamais demandé de le faire ! Fais-leur confiance ». Et la deuxième : il fallait pour cela que je m’arme de patience ; le temps et l’expérience devaient être des alliés.